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Blogorrhée
1 juillet 2011

Pour la réhabilitation immédiate du slow

Les petits plaisirs de la vie, à l’âge adulte, sont d’un prosaïsme affligeant : c’est par exemple la satisfaction d’avoir fait ses cinq minutes d’abdos par jour, le bain après une journée au bureau ou encore l’instant où, après une soirée en boîte, on enlève ses talons et on se sent bien.

C’est nul.

C’est encore plus nul lorsque l’on repense à nos bonheurs d’enfance et d’adolescence, par exemple à l’excitation que l’on pouvait ressentir lorsque, en colo, on nous annonçait qu’il y avait boum demain. Tout ça parce que qui dit boum, dit SLOW.

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Le slow, en plus d’être l’anglicisme le plus pur de la langue française (sérieusement, je me suis toujours demandée ; au Moyen-âge, on disait probablement « fin de semaine » pour parler du week-end, mais comment nommait-on le slow avant le 20e siècle ? Ça n’existait vraiment pas ? Je reste intimement convaincue que Louis XVI en a connu les délices avant d’avoir la tête coupée), est l’un de ces moments où vous êtes persuadé que vous allez faire une crise cardiaque dans la seconde, et mourir bêtement dans les bras d’un garçon de douze ans.

Que ce soit en colo, ou dans les « soirées » d’anniversaires de vos potes de collège (oui, c’était de 14h à 18h, mais appelons-ça quand même une soirée, sinon vous allez perdre vos repères), il y avait toujours ce moment super awkward où le mec qui faisait office de DJ choisissait (ou bien se voyait contraint, sous la pression féminine) de passer un slow. De tous les prépubères qui bavardaient debout en sirotant du jus d’orange sans vodka dedans, en moins de trente secondes tous étaient assis sur une chaise le plus loin possible des membres du sexe opposé. Et personne ne parlait. Généralement, le couple institutionnel (Kevin et Jennifer, en couple depuis cinq jours et demi, l’équivalent du monsieur au regard bovin et de la demoiselle au collier vraiment chelou que vous pouvez voir ici version collège) se levait et ouvrait la danse, histoire que les loosers célibataires soient plus à l’aise pour pécho à leur tour et ensuite faire des double dates à la cantine.

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Et une fois le mouvement lancé, c’est l’angoisse totale : grosse angoisse si aucun mec ne vient vous inviter, grosse angoisse si un mec vient vous inviter. Piégée. Généralement, il y a le mec (qui ressemble quasiment toujours à une version IRL de malabar avec un peu d’acné) dont on rêve qu’il vienne nous susurrer « tu danses ? » à l’oreille ; du coup, si un autre mec vient nous voir, on l’envoie bouler, mais si c’est le mec qui vient nous voir, on est tellement étonnée que sous le choc, on l’envoie bouler. S’ensuivent des remords inconsolables, puisqu’une fois l’étape du « non » consommée, une deuxième demande est impossible. La fille n’osera jamais revenir sur sa décision et aller voir le mec d’elle-même, et le mec s’étant déjà pris une poutre dans son égo ne va certainement pas revenir à la charge. Donc on se morfond, et on se promet que la prochaine fois, on ne sera pas aussi stupide.

Si on y réfléchit bien, tout ça n’est que la préfiguration adolescente du concept de one night stand. Voyez plutôt : vous êtes en boîte, un mec vous aborde, d’une manière peut-être trop directe/maladroite/crue (je ne vous traduis pas le « tu danses ? » en langage +18 ans, ça me semble assez clair comme ça). Comme tout se passe très vite, un mot de travers prononcé sous l’effet de la surprise et vous l’avez repoussé sans vraiment le vouloir. Vous tentez bien de lui faire ensuite des petits regards en espérant qu’il saisisse le tragique de la situation, mais il a déjà la tête entre les seins d’une blonde, donc on se morfond, et on se promet que la prochaine fois, on ne sera pas aussi stupide.

Le slow, comme les premiers one night stand, c’est l’instant de la délicieuse balance entre la peur et le désir. On a un peu honte (surtout des autres, surtout qu’il nous « mette un vent »), mais quand on parvient à braver la honte et l’appréhension, le moment de la danse (comme ensuite celui du sexe) est carrément magique. Dans les deux cas, au début, on n’ose pas toucher franchement (après tout, on ne connaît pas l’autre, ou pas bien), puis on se laisse aller (dans un cas on pose sa tête sur l’épaule du garçon, dans l’autre je censure), on apprend à rire des ratés (écrasage systématique de pied VS bruits chelous de succion des ventres). Bref, une complicité se crée entre les partenaires, d’autant plus exquise qu’elle est éphémère.

Le slow, c’est aussi la première approche de la « baisse des critères », ce concept qui hantera votre vie sexuelle quelques années (ou quelques mois pour les précoces) après votre dernier slow. Parce qu’après trois échecs de suite avec le bogoss de la colo qui n’est pas venu vous proposer de danser (ou qui l’a fait mais à qui vous avez répondu un « nggggg » qui l’a rapidement fait fuir), vous commencez à détacher vos yeux de sa casquette de bad boy et à regarder ce qui se passe autour de vous. C’est ainsi que vous vous rendrez-compte que Jordan, malgré le surplus de gel dans ses cheveux, a également un sourire charmeur, et qu’en plus il vient de casser avec Jessica. Le mouvement où vous acceptez de passer de Kevin à Jordan, vous le réamorcerez quelques années plus tard quand, après cinq mojitos, vous opterez pour le petit gros à lunettes (qui, au stroboscope, n’est pas si mal) à défaut du sosie de Romain Duris qui n’a pas daigné vous rendre votre sourire.

bande-du-drugstore-2002-08-g(et bien sûr, pendant le slow avec Jordan, on continue de mater Kevin)

Enfin, le slow, c’est la musique la plus intemporelle qui soit. Jugez plutôt : dans les « soirées » des 13-15 ans, on n’entendra forcément que de la musique contemporaine de qualité type Justin Bieber, ou l’excellente Rebecca Black. Vous qui pensez être dans le mouv’ des ados, détrompez-vous : une chanson se démode en moins de trois mois. Essayez donc de passer du Hanna Montana cet été : c’est déjà ringard. Cette règle vaut pour tous les genres de musique, SAUF le slow. Faites péter Céline Dion en colo, ça marche (par contre, personne ne connaît plus son nom, et ça vous fout un sacré coup de vieux).

A musique intemporelle, je propose la pratique intemporelle : réhabilitons le slow. Franchement, deux-trois slows discrètement glissés dans la playlist d’un cocktail d’entreprise et les accords se règleront avec beaucoup plus de facilité. Le problème des soirées d’intégration qui partent en sucette ? Faites-leur bouffer du slow, ils arrêteront l’ecstasy.

Je revendique le droit au slow à tout âge. Frotter ses fesses contre un mec sur du Beyoncé, c’est vite déprimant. Mettre ses bras autour du cou d’un mec trop grand et galérer à tourner sans faire des pas de canard ridicules, ça c’est du bon.

PREUVE.

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